Le voyage en tant qu’acte de déplacement est une activité humaine qui frise le besoin. Cette constante culturelle constitue la toile de fond des œuvres depuis l’antiquité, en passant par le voyage d’Ulysse, les voyages des chevaliers, des explorateurs, des missionnaires, des romantiques etc. Pour l’âme humaine, le voyage est d’une nécessité irrévocable car il est une source méritoire d’apprentissage comme l’affirme H. Miller: « Une destination n’est jamais un lieu, mais une nouvelle façon de voir les choses » (Miller, p. 40). C’est ce que nous montre encore le voyage effectué par Isabelle Eberhardt que nous allons découvrir à travers son ouvrage Notes de route: Maroc, Algérie, Tunisie, sorte d’odyssée saharienne. Notre but sera atteint si nous montrons en quoi cette œuvre, objet de tant de lectures et de critiques, fait foi de prolixité en se repliant sur des territoires inexplorés semblables aux terres australes. Pour une réponse calibrée, notre étude emprunte deux voies à jamais impensables. Dans un premier temps, il est intéressant d’approcher le genre de cette œuvre et le mesurer à l’aune de la profession journalistique de l’écrivaine et l’hégémonie de son aisthesis. Partie consacrée à la mise en scène en tant que lieu textuel de « pactisation » autour de la parrêsia du narré, qui décèle l’achoppement de ce procédé sur le sillon des impressions impossible d’outre-passer. Prises en charge par des micro-récits phénoménologiques, les effusions, manifestation subjectives du moi intime, jouent en défaveur de ce contrat de lecture. Le deuxième pan semble être l’enjeu majeur de notre étude. Le texte nous livre en quoi tracer une expérience d’investissement dans une « esthétique de l’existence », accent incantatoire de l’œuvre, menée à travers la quête de l’identité et de l’authenticité ontologique.